À partir d’aujourd’hui et ce jusqu’à la fin de l’année, nous vous dévoilons les top 10 respectifs des albums de l’année 2017 selon les membres de la rédaction. Voici donc celui de notre rédac’ chef.
Bonne lecture !
10/ Lorde — Melodrama — Lava Records/Republic Records ??
Il n’y a pas que des gens qui jouent au rugby en Nouvelle-Zélande ? L‘interprète et compositrice énigmatique Lorde a sorti il y a quelques mois le meilleur album de Pop de cette année 2017. En avance sur son temps, comme c’était déjà le cas sur son premier opus Pure Heroine en 2013, elle clôt en août dernier une communication rondement menée en sortant ce nouveau disque (singles dévoilés au compte-gouttes sur Internet et interprétés en live durant des événements à grosse audience comme c’était le cas au Festival de Coachella, participation au Saturday Night Live, etc.). L’inclassable artisane façonne un mélodrame en proposant de nouveaux éléments à son histoire personnelle et à celle de la musique au sens de l’industrie musicale. Elle parvient à créer un univers neuf à la fois mainstream et très pointu. Fait de ballades désarmantes (“Liability”) et de titres Disco-Pop comme l’indélébile “Green Lights” qui figurent parmi les joyaux de cette année, Lorde transporte à travers sa voix les sonorités contemporaines et celles de ses inspirations d’hier et d’aujourd’hui à l’ère de la modernité.
9/ David Crosby — Sky Trails — BMG Rights Management ??
David Crosby est arrivé sur le tard cette année. Au coude-à-coude dans ce classement avec le regretté Gregg Allman dont l’album studio Southern Bloodest sorti de façon posthume en septembre, l’ex-membre de Crosby, Stills, Nash & Young qui reste un des plus beaux quatuors du Rock nous pond un disque absolument terrible. Fort de ses héritages musicaux, le moustachu continue sur une lancée joliment inspirée. Après Croz en 2014 et Lighthouse en 2016 (qui figurait déjà dans le top 50 des albums de la même année) le natif de Californie semble se bonifier avec l’âge. Musicalement, le tableau est assez intrigant. Nous trouvons dans Sky Trails tout le talent de Croz’ accessoirisé de toutes les périodes musicales de sa vie.
Le genre de disque qui donne envie de travailler dans ce secteur… Lors de la première écoute de l’album, nous avons été littéralement interloqués par le son que produit ce jeune new-yorkais. C’est notamment au niveau du piano que tout se passe. Avec des mélodies déformées et redéfinies à partir du Blues et de l’Electro, Hakim puise dans ses inspirations ancestrales pour créer un ensemble Soul ultra émouvant. Malgré une pochette hideuse, nous avons mis la main sur une chose totale dans sa cohérence et nouvelle. Le jeune prodige semble détenir un pouvoir et nous propose un indescriptible et intrigant disque hybride.
7/ Tamikrest — Kidal — Glitterbeat ??
Ce groupe de musiciens issus du peuple des touaregs propose une musique énigmatique où modernité se fond avec les vents de sable. Tamikrest a été fondé en 2006. Le groupe mélange la musique traditionnelle africaine avec la Pop/Rock occidentale et leur langue est le Tamaschek ; une langue berbère. Ce mix permet au groupe de créer des rêves tournés vers des horizons de liberté. Tous les titres de l’album sont liés d’une même énergie désertique mêlant l’improvisation à des codes très réglés tels… du papier à musique. Nous trouvons de doux moments pendant lesquels la voix du chanteur principal Ousmane Ag Mossa est lourde de sens. Pourtant, l’opus n’est pas agressif. C’est un acte de défi contre l’oppression et la violence, un renouvellement de la tradition et une vision pour l’avenir. C’est de la Country, du Rock, de la Folk, du Reggae et du Blues venu d’un endroit qui connaît la valeur de la liberté musicale.
6/ Oh Sees — Orc — Castle Face Records ??
Avec ce monstrueux album, nous entrons dans le monde du bruit tel que nous l’aimons. Oh Sees est la suite logique de Thee Oh Sees, un groupe complètement dingue qui fait partie de toute la scène qui éclate le monde depuis quelques années. Leur musique est basée sur un Garage Rock des plus audacieux. La formation a d’ailleurs une place de choix parmi ces groupes terrifiants de par leur inventivité et leur propension à ne rentrer dans aucune case de l’industrie musicale. Le genre de mecs qui font 12 albums en 6 mois et qui à chaque fois sortent des disques qui brûlent les doigts et les oreilles. Pour n’en citer que certains : King Gizzard And The Lizard Wizard, Ty Segall (et tous les projets dans lesquels il est acteur), Fuzz ou bien encore Yeah Yeah Yeahs.
En cette année, le groupe est donc bel et bien toujours à la barre. Nous en parlions déjà en 2013 d’ailleurs. Année durant laquelle ils avaient tout écrasé avec le meilleur son, le meilleur morceau et la meilleure pochette sur laquelle nous avions à coexister face à des… fraises tueuses ! À voir en cliquant sur le lien ci-après ? ➥ Ici.
Le disque est un étourdissement absolument diabolique d’avant en arrière, de haut en bas, de la tête aux pieds et partout entre les deux ! Ça fouette sans cesse, ça part en vrille, on dirait que les instruments ont mangé les musiciens et qu’ils ont pris possession du studio dans le but de savoir qui entre la batterie ou la guitare électrique a la plus grosse ! Méchant ! Rayonnant !
5/ King Gizzard And The Lizard Wizard — Murder Of The Universe — Auto-produit ??
Murder Of The Universe est le 2 ème d’une pièce en 5 actes. Autrement dit : “Murder Of The Universe est le 2 ème des 5 albums sortis cette année par le collectif originaire de Melbourne”. Dans l’ordre : Flying Microtonal Banana, Murder Of The Universe, Sketches Of Brunswick East, Polygondwanaland et TBA. À eux seuls, les titres de leurs albums en disent long sur le délire dans lequel nous sommes tombés. La forme est folle ! Déjà en 2016, ils avaient sorti Nonagon Infinity ; chef d’œuvre absolu — et nous pesons nos mots, Ndlr — qui proposait 9 puissance 9 possibilités d’écoute dans un seul et même disque poussant à la limite les techniques de studio dans un vacarme sans dessus dessous. Il figurait fièrement à la 8 ème place du “Top 50 des Albums de 2016” ? Le fond est évidemment à la hauteur de l’emballage. Un voyage hyperactif et addictif dont le carburant est un Fuzz complètement Fucked Up teinté d’Acid Rock. Si vous pensiez que le vrai Rock a disparu, il est bel et bien là, défoncé et informel.
Endless Boogie est un groupe qui n’a comme son nom l’indique, ni de fin, ni de début. Pourtant, pour toute personne qui pense que le Rock est encore pertinent culturellement parlant ; il est difficile d’imaginer que ce groupe n’existe pas.
Il a commencé à nettoyer les cages à miel depuis la fin des années 90. Tout n’étant pas simple à mettre en place, il y a eu un petit laps de temps pendant lequel la formation s’est cherchée. Cela a également permis aux producteurs, marketeux et commerciaux de chez Matador Records d’improviser une recette pour rendre le groupe aussi populaire qu’obscur et aussi bankable que possible tout en restant dans un style très très spécifique. Le temps est vite passé et c’est dans les années 10 que tout s’est accéléré. Cette notion de “temps” est sûrement la variable clé de l’histoire du groupe. Car ces musiciens semblent avoir été oubliés par ce dernier ou l’inverse. Nous ne le saurons jamais.
La formule est assez simple : prenez des coups de langue blues électriques, étirez-les sur des rythmes impitoyablement stables et jouez à perpétuité. Un couple d’accords suffisent. Faites de la place pour le grondement sinueux du chanteur Paul Major et quelques solos de guitare graisseux et vous êtes là. “Riffez”, rincez, répétez.
Robert Plant fait partie de ces gens dont les années ne semblent pas altérer la lucidité. Il a pourtant tout connu. Ce vieux lion devenu sage a été un des bardes de la folie de Led Zeppelin. Il a traversé confortablement les années 80 et 90. Depuis quelques temps, il est toujours bien présent au rythme d’un album tous les 3 à 4 ans… C’est à chaque fois un événement. Pour ne citer que ces deux-là, Band Of Joy en 2012 et le planisphère musical de 2014 intitulé de façon mystique — un langage qu’il maîtrise à la perfection, Ndlr — Lullaby And The Ceaseless Roar ont charmé nos sens. Avec ce nouvel opus, la formule développée en roue libre est inchangée. Nous pourrions dire que c’est de la facilité. Mais ça dépasse les frontières des genres selon nous. Plant va encore une fois chercher ses inspirations aux quatre coins du globe pour mêler entre elles des sonorités éloignées avec cette dominante arabo-andalouse imparable d’une très impressionnante cohésion. En somme, il reste un homme à part entière, loin des codes classiques et qui sait proposer ce que les mélomanes aguerris semblent chercher vainement autour d’eux dans des disques toujours plus carrés ou plus ennuyeux.
2/ Foo Fighters — Concrete And Gold — RCA ??
Ce neuvième album des Foo Fighters n’a pas besoin de publicité. Une phrase, située sur la cellophane a suffit à déclencher l’achat en magasin :
“Testing the limits of speakers everywhere”
Comprenez pour les novices de la langue de Shakespeare : “Tester les limites des hauts-parleurs en tous lieux”.
Mon ami Jean-Charles Desgroux de Rock & Folk en parle notamment en ces termes (morceau choisi dans son entretien avec le groupe issu du numéro 602/octobre 2017) : Au bout de deux décennies largement bien remplies, le groupe surprend avec un neuvième disque — et probablement son premier album complètement réussi, une audace, une prise de risque et un revirement artistique qui pourrait peut-être même, a posteriori, permettre de le qualifier de chef-d’œuvre.
L’album débute donc avec une minute et 22 secondes d’emphase digne de la Reine et l’éclat sonore qu’est ce premier titre intitulé “T-Shirt” donne le ton pour un Concrete and Gold brillant. Un disque qui comprend certaines des pistes les plus vitales et impressionnantes du groupe depuis des années.
Après Sonic Highways en 2014 — une indulgence conceptuelle qui a permis au groupe de se rendre dans certains des studios de musique les plus légendaires des États-Unis — c’est un retour à une manière plus simple de faire les choses. L’album a été écrit de manière plutôt sommaire, paraîtrait-il dans sur des bouts de papier, comme ça… Cette approche a bien servi Grohl ! Un retour aux riffs crus de l’album éponyme de 1995 et aux émotions nues de son successeur The Color and the Shape. La force subtile du Funk est également un facteur clé dans la pure flottabilité de Concrete and Gold, avec “Make It Right” branché dans un groove rappelant Prince mais en rangers à semelles compensées avec des clous. C’est un mouvement qui fait écho à leurs copains des Queens of the Stone Age qui soit dit en passant et c’est sincère à tel point que cela nous brise le cœur de le constater ; auraient largement pu figurer à cette deuxième place du classement. Les fous signent donc un disque qui a en lui l’essence même du Rock : énerver les parents qui pensent que les ados écoutent la musique trop fort. Comment ? On n’est pas en 76 ? On s’y croirait et c’est juste aussi frais et dévastateur que brillant. Boom !
1/ Tinariwen — Elwan — Wedge/PIAS ??
Comment parler d’un tel choc ? Comment résumer en quelques lignes ce qu’il se passe dans la musique du groupe Tinariwen ? Elwan est une suite logique dans une histoire tracée au sommet des dunes. Après l’immense Emmar sorti, il y a 3 ans ; les bardes du désert reviennent plus imprévisibles que jamais. Imprévisibles car ils sont principalement à la base de la popularité d’un genre musical aussi riche qu’enivrant que nous pourrions qualifier de Blues du désert.
Ils mettent en place des palettes sonores d’exception. Naturellement, la musique arbore son plus simple et plus authentique habit : l’émotion. Elle nous fait passer par tous les états. Il y a dans la formule de ce “Blues magique” qui se nomme Assouf en Tamaschek, une immense part d’improvisation. Chaque seconde de chaque morceau est inédite. Mises bout à bout, elles constituent un ensemble écrasant, flamboyant. Tinariwen rend hommage à ces montagnes sahariennes dans lesquelles ils ont grandi en transmettant leur culture. Mais pas que… Des titres tels que “Tiwayyen” viennent dans une flambée de guitares psychiques nous rappeler pourquoi les premiers opus du groupe étaient comparés aux disques du Grateful Dead. Ensuite, il y a des chansons comme “Ténéré Tàqqàl”, une complainte sur la situation de leur mère-patrie et le son chatoyant de “Nànnuflày” (avec Kurt Vile et Mark Lanegan) évoquant le vide du désert. Ce disque est un enchaînement de chansons à la force imparable.
Tout ici est juste monstrueux. C’est un tsunami de musique… Rien que l’image du groupe est irrésistible. Sans être dans le superficiel ils arborent des turbans et jouent sur des guitares vintage… Ils sont des aventuriers de la musique, de la transgression dans une certaine mesure. Les atrocités contre le peuple Touareg ont inévitablement laissé une impression indélébile sur Tinariwen, et cet album reflète cela. Qu’ils soient ou non face à un exil permanent, leur volonté d’embrasser la musique extérieure s’est déjà révélée fructueuse, et si l’occasion se présente, elle continuera sans doute à le faire.
En somme, avouons-le sans scrupule : Elwan était déjà avant même sa sortie “l’album de l’année” tant la musique qui y est jouée représente à notre humble avis la musique du futur. Elle ne rentre pas facilement dans les cases et c’est peut-être ça aussi qui doit être de plus en plus salué. Exactement !
Dans ce monde souvent trop peu extraordinaire où la norme prend le pas, la passion et l’observation de la musique comme nous la vivons nous pousse de plus en plus à chercher la syncope, la rythmique qui nous fera vaciller, s’étonner, échanger. Avec cet album dont le titre peut se traduire par “Les Grands” nous sommes ici à la pointe de ce qui se fait de mieux dans tous les genres confondus. C’est irrésistible une fois de plus. Écrire sur ce groupe en qualité d’amateur de sons mais aussi en simple musicien est un privilège tant il synthétise en 13 titres 500 ans d’Histoire de la vibration à la fois ancestrale et avant-gardiste. Peut-être avec Blackstar de David Bowie le plus beau numéro 1 de tous ceux choisis depuis des années.
À bientôt sur RefrainS.
C.
Comments