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[Chronique]  Queen – A Night At The Opera. Précepte ou Concept ?

Queen est certainement l’un des groupes majeurs de la fin du vingtième siècle. De 1973 à 1991, le groupe de Freddie Mercury, Brian May, John Deacon et Roger Taylor va totalement se distinguer de ses contemporains dans un style propre et unique mêlant Rock conventionnel, Hard Rock, Punk, Jazz, Opéra, Funk, et pleins d’autres styles… Le tout, parfois dans le même morceau !
Il demeure une pièce maîtresse qui va littéralement inscrire Queen dans l’histoire.
Les premiers opus de la discographie du groupe sont essentiellement “Glam”, mais le groupe va, en 1975 publier un album qui non seulement amorce le début d’une nouvelle ère pour Queen, mais aussi pour la Musique avec un grand “M”. Il ne s’agit pas que d’un simple album de Rock. En fait, il est tout bonnement impossible de classer cette œuvre en toute objectivité.
Musicalement, c’est trop lisse pour être du Rock ! Trop complexe pour être de la Pop, mais pas assez dans la norme pour être qualifié de « classique ».
Nous vous proposons aujourd’hui de revenir sur cette œuvre unique et fondatrice : A Night At The Opera.

Une Transition Marquée.

 
                La pochette sans dessus dessous de l’album Sheer Heart Attack (1974).

Si nous pouvons sentir dans Revolver des Beatles les prémices de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, dans Let It Bleed des Rolling Stones, ceux de Sticky Fingers et dans Hunky Dory de David Bowie, ceux de The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars, l’étendue de Sheer Heart Attack, l’album de Queen précédant A Night At The Opera ne laisse entrevoir que peu de choses concernant ce véritable bouleversement musical. Alors que Queen semble s’éloigner tout de même du Glam Rock, la composition de ce nouvel opus a de quoi surprendre. Le groupe réussit une alternance entre ironie et profondeur poignante, et ce parfois au sein d’un même morceau comme nous le disions précédemment…

Un Album Rock ?

Bien entendu les guitares de Brian May sont omniprésentes sur l’album, apportant plus ou moins de distorsions propres au Rock des années 1970.
Ce dernier compose cependant selon les règles les plus strictes de la musique baroque (voir notre article sur l’héritage de la musique baroque dans la musique Pop/Rock en cliquant sur le lien ci-après ? ➥ ici).

Le premier morceau,Death On Two Legs, dont le titre est dédié à leurs anciens managers avec qui le groupe est fâché ; est un vrai morceau Rock… Tout comme le titre “Sweet Lady” ou bien le tonitruant “I’m In Love With My Car” ?
Pourtant ce n’est pas simplement du Rock, ce qui se passe sur le disque va bien au delà du style à proprement parlé. C’est tout bonnement inqualifiable de par la richesse harmonique, les vocalises uniques dignes de certaines grandes œuvres symphoniques.

Du Jazz , un Peu de Pop et Encore du Classique ?

 
            Brian May, véritable virtuose de la 6 cordes… Comme de toutes les cordes d’ailleurs.

On retrouve des inspirations de Jazz New Orleans dans les morceaux “Lazing On A Sunday Afternoon” ou encore “Seaside Rendezvous avec pour base du piano à la sauce Ragtime et la voix de Mercury. Brian May vient encore une fois tout bouleverser avec sa guitare enregistrée près de 30 fois sur la même piste à la manière des violons d’un orchestre.
Le bassiste du groupe, John Deacon va imposer ensuite un morceau d’une Pop efficace : “Your My Best Friend”. Mais encore une fois la prestation vocale du groupe et l’apport extérieur des guitares de Brian May ne permet pas de considérer ce titre comme un simple morceau de Pop.
C’est alors que débute la transition vers la musique baroque.

 

                                                  Clip officiel de “You’re My Best Friend”.

De “Bas Rock” à Baroque.

Considérer Queen comme du “Bas Rock” serait scandaleux. En ce qui concerne le baroque nous touchons là un point sensible : A Night At The Opera transpire les mélodies de Bach et Haendel.
Prenons le morceau de Brian May, 39′ qui raconte un voyage spatial. Le thème est traité avec beaucoup de savoir et de précision. Il y évoque des notions poussées d’astrophysique par exemple. Les enchaînements de notes fondamentales/quintes et le bourdon frappé par Roger Taylor est omniprésent tout le long 

et nous plonge dans les profondeurs du genre.
Revenons à “Seaside Rendezvous” que nous avions laissé dans la catégorie Jazz : Queen entreprend ici un mélange Jazz/Pop/Baroque/Opéra condensé et mixé dans un shaker pendant seulement 2 minutes et 20 secondes ! Un moment aussi court que riche tant les chœurs portent le tout dans un écrin de velours la voix de diamant de Freddie Mercury. Une véritable explosion de saveurs se dégage à ce moment précis dès les premières syllabes et elle va nous transcender jusqu’au final.

La Fin du Voyage.

Queen nous fait explorer une multitude d’horizons musicaux. Le titre “The Prophet’s Song”, est une prouesse vocale avec son passage a cappella laissant plein espace à la voix pure de Freddie Mercury. Autant de pureté est chose rare dans une époque où les plus grands groupes commencent à forcer un peu sur la pédale de reverb et la compression pour “allonger” la voix, l’étendre comme on étend son vin avec de l’eau. Ici il s’agit d’une véritable prouesse. Nous nous répétons, mais c’est nécessaire.

 
                           John Deacon est sa fidèle basse Fender.

En somme, ce terme semble être la ligne directrice de tout cet album.
Revenons à la présence du classique dans l’œuvre.
Le morceau “Love Of My Lifeest le véritable point d’orgue de tout ce travail.
Le morceau, enregistré à la harpe par Brian May bien que composé au piano par Freddie Mercury est démonstrateur des connaissances de ces derniers en matière de compositions classiques.
On décèle l’utilisation de ce que l’on appelle le rubato, un tempo propre aux musiciens romantiques consistant en des variations de vitesses en accélérant et ralentissant certaines notes de la mélodie. Est-il nécessaire désormais de s’attarder sur “Bohemian Rhapsody”, le pilier de cet album ?

                                           Roger Taylor et sa “Machine Of A Dream…”.

Morceau cultissime parmi les cultes, véritable condensé de tout ce que la musique a de mieux à offrir : une émotion sans pareil, une justesse technique incroyable, une performance vocale et instrumentale de haut vol. Et pourtant bien que tout y soit, rien de ce morceau n’est semblable dans sa construction à ce que nous connaissons ou mieux encore à ce que connaissaient les gens à l’époque de la sortie de l’album. Et encore mieux que le précédent “mieux encore” : ce morceau n’est pas semblable à ce que connaîtront les gens à l’époque des 100 ans de l’album. En 2075 comme en 2017 ou bien en 1975, le morceau “Bohemian Rhapsody” est de ceux qui changent toute la donne. Fini l’habituel schéma introduction, couplets, pont, refrain, solo, coda… Le morceau est l’enchaînement de plusieurs tableaux. Le premier a cappellaavant un second introduisant du piano. La pièce maîtresse de la fresque se situe dans une partie d’opéra rentrée dans la légende, avant une sortie aux accents Rock et une dernière partie toute en lyrisme.

Album d’exception. Single d’exception. Double barre de fin, fin de la partition.

Pour finir, le God Save The Queen est encore une fois porté par un enregistrement de guitares à la manière d’un orchestre.
Petit clin d’œil ? Nous vous avons rappelé que l’album est un hymne baroque, le God Save The Queen est une composition attribuée à certains auteurs comme Purcell, Haendel et même Lully. Tous les trois sont des figures emblématiques de ce genre.

Queen “Dans la Légende”.

La finalité de cet album est aussi de permettre au groupe de se déchaîner dans ce nouvel univers, et les albums qui suivent contiennent exactement la même vague de folie et de génie (deux termes souvent indissociables lorsque l’on évoque le groupe). C’est le cas de l’album qui suit A Day At The Racesreprenant jusque dans la pochette les mêmes codes et enfin de “Jazz dont le nom n’a bien sûr pas été choisi par hasard.

 
                                    La pochette de l’album A Day At The Races (1976).
 
                                                  La pochette de l’album Jazz (1978).

À Bientôt sur RefrainS.
 
 T.

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Published in Chroniques

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