Pas de fumée sans feu. Pas de Rock sans guitare ? Facile à dire. Et pourtant, l’outil n’est pas que superficiel. C’est tout simplement par passion pour cette musique qu’est le Rock’n’Roll que nous vous proposons humblement un éclairage sur la tragédie grecque qui est en train de se dérouler chez le fabricant Gibson. Depuis environ un mois, la firme américaine basée à Détroit et qui n’a pas vraiment besoin d’une introduction ; fait l’actualité à cause de problèmes financiers en mode “le Titanic coule”. Tentons d’y voir plus clair avec l’espoir que ces guitares continuent à être fabriquées sous un pavillon américain.
C’est un peu pareil chaque année depuis dix ans : “Gibson va mettre la clé sous la porte !”, “C’est terminé…”. Il semblerait que le millésime 2018 soit l’année de trop. Gibson, c’est à la fois le rêve américain et l’histoire de ce pays. C’est aussi le rêve du musicien et l’histoire de ce dernier. Qu’elle soit connue ou simple amatrice de Rock mais pas que, toute personne qui a un jour voulu jouer de la guitare ou franchi le seuil d’un magasin pour en s’en offrir une a déjà entendu parlé de cette marque.
Un Peu d’Histoire.
L’entreprise a été créée en 1902 par Orville H. Gibson bien qu’il ait commencé à fabriquer des mandolines en 1894 à Kalamazoo au Michigan. Après bon nombre d’années durant lesquelles la firme propose des innovations toujours plus disruptives en termes d’instruments, c’est en 1952 et sous la houlette d’un guitariste nommé Lester William Polsfuss (Les Paul) que voit le jour ce que nous appellerons volontairement le “putain de Graal” avec un grand “G” comme “Guitare” : La Gibson Les Paul. Ce modèle est certainement avec la Fender Stratocaster une des guitares les plus parfaites. Passée sous les mains expertes de milliers de guitaristes mythiques elle est un symbole de la culture Rock. Allez, nous ne vous en mettons que dix (juste pour la Les Paul) : Pete Townsend, Mick Taylor, Slash – actuellement ambassadeur de la marque – Ndlr, Paul Personne, Jimmy Page, Peter Green, Peter Frampton, Mike Bloomfield, Duane Allmanet Eric Clapton qui, avant de jouer sur ses Stratocaster célèbres telles que “Blackie” et “Brownie” a joué sur Gibson. Une des ses premières périodes artistiques, celle dite “Les Paul” faisant parfois débat et étant considérée par les spécialistes comme la plus inventive d’Eric. En témoigne en 1966 l’album Blues Breakers avec John Mayall. Un disque sur lequel Clapton popularise un son et une association imparable : celle d’une Les Paul branchée dans un amplificateur Marshall. FONDATEUR.
D’autres modèles sont créés : ES, J-45, Firebird, SG… Entre 1974 et 1984, la production de guitares Gibson est délocalisée de Kalamazoo vers Détroit au Michigan. S’en suivent quelques étapes qui font évoluer Gibson vers une situation de leader. Rachat d’Epiphone qui fabrique des produits dérivés et moins chers, d’une qualité moindre mais aussi des entreprises Kramer, Tobias, Steinberger, Baldwin pous les pianos, etc. L’entreprise fabrique aussi des amplificateurs de très bonne qualité. Ils sont cependant moins populaires.
Le Début des Problèmes.
En 2007, Gibson s’associe à la société Tronical pour équiper ses nouveaux modèles de guitare du tout nouveau système powertune capable d’accorder la guitare automatiquement sans intervention du joueur sur les mécaniques d’accordage. Pourquoi est-ce un problème ?
Volonté de séduire les jeunes générations ou simple excentricité, ce genre de chose ne prend pas. La cause et c’est peut-être une chose que Gibson aurait dû écouter : les guitaristes sont pour la plupart très passéistes et cherchent plus les instruments traditionnels. Beaucoup de plaintes sur Internet ont été faites envers la marque pour ce genre de choix. “Trop gadget”, “Truc de frimeur”. Les instruments de ce genre ne rencontrent pas forcément de succès. Il y a aussi et bien que nous saluons et respectons le travail de recherche ; ces tentatives d’éditions bizarres, colorées, pailletées disons-le absolument immondes pour la plupart. Une fois de plus plus, les revendeurs, les clients et les guitaristes se plaignant que Gibson ne sache plus faire de “vraies guitares” tout en augmentant leurs prix et propose des instruments qui semblent ne présenter aucune âme. Nous pensons à la “Dusk Tiger” ou des séries ES aux couleurs à vomir comme en témoigne l’image ci-dessous. Nous sommes bien loin des vernis sunburst ou Iced Tea qui font la beauté de leurs guitares.
Outre l’aspect technique voire artistique et face aussi à la concurrence d’autres marques émanant du regain d’intérêt pour la musique Rock chez les amateurs de musique de tous âges ne pouvant pas forcément s’offrir des instruments chez les gros poissons tels que Gibson, Fender, Taylor ou bien encore Collings ; il y a bien entendu le financier. Ça commence surtout en 2012 où l’entreprise est condamnée à payer une amende de 300 000 Dollars pour avoir violé le Lacey Act en important illégalement du bois d’ébène de Madagascar et d’Inde afin de fabriquer des touches de guitares, de banjos et de mandolines… Comme si cela ne suffisait pas, Gibson a racheté en 2014 la branche divertissement du néerlandais Philips pour 135 millions de Dollars. Ces exemples parlent d’eux-mêmes et bien que la marque soit prestigieuse, elle n’a pas pu éviter l’effet boule de neige à cause des déséquilibres entre les dépenses et les recettes.
Aujourd’hui : Vogue la Galère.
Il se passe des choses du côté de Détroit certes, mais c’est surtout du côté du Nashville que tout s’accélère : depuis la semaine dernière, la firme a un nouveau directeur financier. Benson Woo semble être l’homme de la situation pour sauver le groupe criblé de dettes. D’ici le début du mois d’août, l’entreprise devrait payer 375 millions de Dollars. En outre, des prêts bancaires supplémentaires de 145 millions de Dollars viendront à échéance immédiatement si ces billets émis en 2013 ne sont pas financés à nouveau avant le 23 juillet. Aussi, certains détenteurs d’obligations se plaignaient du manque de clarté de Gibson, une situation qui ne s’est pas améliorée avec l’arrivée de GSO Capital Partners, une division du géant privé Blackstone qui, il y a environ un an, a accordé un prêt de 130 millions de Dollars.
“Cette année est critique et ils sont à court de temps” selon Kevin Cassidy, agent de crédit principal chez Moody’s Investors Service qui l’été dernier a dégradé la notation de la dette de Gibson.
La société travaille actuellement avec une banque d’affaires pour proposer un plan de financement. Le PDG du groupe Henry Juszkiewicz explique :
“…Même si les segments instruments de musique et audio professionnel sont rentables et en croissance, ils sont toujours sous le niveau connu il y a quelques années”.
Gibson s’est récemment donné un peu de répit en vendant un ancien entrepôt de Baldwin Piano dans The Gulch pour 6,4 millions de Dollars. Ils essaient également de vendre le bâtiment voisin de Valley Arts sur Church Street, même si cette transaction a atterri devant le tribunal. Mais ces ventes – la propriété de Valley Arts rapportera environ 11 millions de Dollars – Ndlr, sont peu susceptibles de faire un assez gros coup pour éviter une révision douloureuse.
C’est dans quelques jours que l’entreprise doit rendre compte de ses chiffres définitifs pour son troisième trimestre fiscal aux parties prenantes. L’une des choses que les détenteurs d’obligations surveilleront, c’est une amélioration de l’activité électronique de la société, qui s’est développée au cours des dernières années grâce à des acquisitions alimentées par l’endettement, mais qui a récemment connu une baisse des ventes.
Nous suivrons donc ce feuilleton comme nous l’avons traité : avec beaucoup de précaution et d’attention. Il y va de tellement d’interrogations toutes aussi folles les unes que les autres. Et si Fender rachetait Gibson ? Qui est fautif ? Les gens qui se désintéressent de la musique au sens physique de cette dernière ne croyant qu’au numérique ou Gibson qui part dans tous les sens ? Ou bien encore si l’entreprise devait combiner avec des investisseurs taïwanais par exemple… ? Encore faudrait-il que les américains soient partageurs. Dans un contexte où Eric Clapton déclare en rigolant que c’est “peut-être la fin de la guitare“, nous ne pouvons qu’être inquiets. Pire, nous nous demandons s’il ne serait pas judicieux d’acheter une réédition d’un modèle de Les Paul ’59 avant que l’entreprise ne décline complètement ce qui ferait sensiblement augmenter le prix des guitares déjà très chères…
“Only a Gibson is good enough“.
À bientôt sur RefrainS.
C.
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